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Actualité
11/12/23

La Cour d’appel de Paris est compétente pour ordonner une levée d’engagements refusée par l’ADLC

L’arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 30 novembre 2023 (n° 23/01145) mérite d’être mis en lumière en ce qu’il a (i) jugé recevable le recours d’une entreprise (TDF) contre une décision de l’Autorité de la concurrence (ADLC) ayant refusé sa demande de levée d’engagements et (ii) ordonné la levée partielle de ces engagements après avoir annulé la décision de l’ADLC. 

Pour rappel, dans sa décision n° 15-D-09, l’ADLC avait rendu obligatoires trois engagements proposés par TDF afin de permettre aux opérateurs mobiles de faire jouer plus facilement la concurrence en matière d’hébergement de leurs antennes.

TDF s’était ainsi engagée:

  • à limiter la durée de ses futurs contrats cadres d’hébergement à une durée de dix ans ;
  • à accroître la faculté de résiliation anticipée de sites au bénéfice des clients MNO (opérateurs de réseaux mobiles) à 4 % du nombre total de sites-pylônes visés par les contrats et permettre le report des possibilités de résiliation non utilisées d’année en année dans la limite de 10 % ; et
  • à limiter le montant de l’indemnité forfaitaire et libératoire pour les contrats en cours et futurs à trois mois de loyer.

En 2021, TDF avait demandé la révision de ces engagements, au motif que les changements intervenus depuis la décision dans le secteur de l’hébergement des équipements de téléphonie mobile étaient, selon elle, suffisamment importants pour avoir modifié la structure de la concurrence sur le marché et rendre injustifié le maintien des engagements.

Alors que l’ADLC avait rejeté en bloc dans sa décision n° 22-D-24 la demande de TDF, pour défaut d’éléments prouvant la disparition effective des préoccupations de concurrence, la Cour d’appel de Paris a pour sa part fait partiellement droit à cette demande.

 

La Cour a tout d’abord annulé la décision de l’ADLC au motif que celle-ci n'avait pas respecté le principe du contradictoire et les droits de la défense, notamment en adoptant une nouvelle méthode de calcul des parts de marché de TDF sans que celle-ci n’ait eu la faculté d’en débattre contradictoirement.

Alors que l’Autorité soutenait qu’une décision « qui refuse la levée des engagements qu’une entreprise a souscrit sans faire peser sur elle de contraintes nouvelles, n’est pas une décision contentieuse pouvant conduire à l’adoption d’une sanction et que les garanties relatives à la protection des droits de la défense ne s’appliquent donc pas avec la même intensité », la Cour a jugé pour sa part qu’une telle décision « est susceptible de faire grief à l’entreprise sur laquelle pèsent les engagements, selon l’appréciation qui peut être portée sur le changement intervenu et son incidence sur les préoccupations de concurrence auxquelles les engagements souscrits devaient remédier. Par conséquent, le respect du principe précité implique que le destinataire d’une telle décision soit mis en mesure, au cours de la procédure, de faire connaître utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et des circonstances qui la fondent, peu important qu’aucun formalisme n’ait été imposé pour y procéder ».

 

Considérant qu’elle disposait des éléments lui permettant de statuer sur le fond de l’affaire, la Cour a tout d’abord souligné que :

« les engagements rendus obligatoires répondaient à des préoccupations de concurrence reposant, en partie, sur la structure du marché de l’hébergement des équipements de téléphonie mobile., laquelle a évolué depuis 2015. Il convient donc de vérifier si le maintien de chacun des engagements s’avère toujours nécessaire et proportionné pour remédier aux préoccupations de concurrence identifiées dans le contexte de marché actuel ».

 

Selon la décision de l’ADLC n° 15-D-09, les pratiques de TDF, consistant à conclure des contrats longs, souvent renégociés par anticipation, et prévoyant des quotas de résiliation anticipée très limités assortis de pénalités importantes, mises en œuvre par une entreprise susceptible d’être en position dominante, pourraient produire des effets anticoncurrentiels réels ou potentiels.

Mais la Cour d’appel a constaté que de nouvelles sociétés dites « TowerCo », qui louent les pylônes qu’elles possèdent aux opérateurs de téléphonie mobiles (MNO) afin qu’ils y installent leurs antennes, sont désormais présentes sur le marché et que certaines d’entre elles disposent d’un nombre de sites actifs supérieurs à celui de TDF. De plus, l’ensemble des MNO interrogés dans le cadre du test de marché a indiqué que la durée des contrats limitée à 10 ans n’était plus importante à l’économie du secteur et qu’une durée plus longue permettait de sécuriser davantage leurs investissements.

En outre, l’ARCEP a indiqué, à la lumière de ses échanges avec les MNO et de ses propres analyses, qu’elle n’avait « pas identifié […] d’obstacles à la levée des engagements de TDF, à situation de marché stable ».

 

Par conséquent, la Cour d’appel a estimé que l’engagement relatif à la limitation de la durée des contrats :

« n’est plus nécessaire et proportionné pour remédier au risque de verrouillage du marché. Il créée, en outre, entre TDF et ses concurrents, une distorsion dans les conditions de concurrence au regard des durées existantes dans d’autres contrats similaires sur le marché justifiant d’en ordonner la levée ».

La Cour a ainsi ordonné la levée de cet engagement, tout en rejetant la demande de TDF tendant à obtenir la levée des autres engagements.

C’est à notre connaissance la première fois que la Cour d’appel de Paris fait droit, partiellement, à une demande de levée d’engagements qui avait été rejetée par l’ADLC.

Philippe BONNET / Hadrien JOLIVET
Image par Canva
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