Dans le but de protéger les consommateurs, les autorités publiques jouent un rôle de plus en plus actif dans la surveillance des pratiques mises en œuvre par les plateformes en ligne. Dans un dossier de presse en date du 20 novembre dernier, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (ci-après la « DGCCRF ») met ainsi en exergue les abus du e-commerce suite aux nombreux contrôles effectués depuis le début de l’année1.
Les dark patterns, ou « pièges utilisateurs » en ligne, constituent une partie de ces manquements.
Selon une étude réalisée par la Commission européenne en 20222, 97% des sites les plus populaires au sein de l’Union européenne renferment des dark patterns.
Dans un Rapport publié le 19 juin 2023, la Direction interministérielle de la transformation publique (ci-après la « DITP »)3 interpelle sur l’importance d’établir une doctrine pour ces pratiques qui se trouvent, en l’absence d’une définition règlementaire précise, dans une « zone grise ».
Les autorités publiques s’accordent sur les diverses formes que peuvent prendre les pièges utilisateurs. Ce sont des messages, interfaces, représentations visuelles ou encore des fonctionnalités truquées ou trompeuses mis en place dans le but de manipuler les consommateurs dans l’intérêt de certains professionnels.
En effet, dans son Rapport du 19 juin 2023, la DITP constate que l’utilisateur cherche la rapidité lorsqu’il navigue sur un site internet pour trouver une information ou pour procéder à un achat, et a donc tendance à suivre les options proposées et choisir l’option nécessitant le moins de clics ou cliquer sur ce qui est mis en évidence sur une page.
Or, ces interfaces sont « soigneusement conçues pour qu’un utilisateur fasse des choix sans qu’il en soit conscient ou qu’il ne souhaite pas faire »4 et qui auront « des conséquences négatives pour eux »5.
Ainsi, la DGCCRF met en évidence différentes pratiques appréhendées comme des dark patterns6 :
Les dark patterns sont sanctionnés au titre des pratiques commerciales trompeuses et des pratiques commerciales agressives, conformément au Code de la consommation.
Certaines pratiques sont plus aisément identifiables que d’autres. Par exemple, le fait que la plateforme fournisse de fausses informations ou omette d’en donner, les abonnements cachés et l’ajout de produits supplémentaires relèvent des pratiques commerciales trompeuses.
En revanche, d’autres pratiques semblent plus difficiles à caractériser.
Ils font également l’objet d’un encadrement européen7, en particulier les dark patterns qui ont pour finalité de modifier les termes du contrat (tel qu’un abonnement caché ou l’ajout de produits supplémentaires) et qui trompent le consommateur sur la disponibilité des produits (tels que des faux avis ou des fausses mentions de stocks).
Toutefois, cette réglementation s’est révélée insuffisante.
Ainsi, le législateur de l’Union européenne est venu renforcer le contrôle des dark patterns avec l’adoption du Règlement « DSA »8. Désormais, toutes les pratiques visant à induire les utilisateurs en erreur et ne relevant pas de cette réglementation sont prohibées :
« Les fournisseurs de plateformes en ligne ne conçoivent, n’organisent ni n’exploitent leurs interfaces en ligne de façon à tromper ou à manipuler les destinataires de leur service ou de toute autre façon propre à altérer ou à entraver substantiellement la capacité des destinataires de leur service à prendre des décisions libres et éclairées ».
Enfin, la DGCCRF appelle les consommateurs à la vigilance et préconise notamment de prêter attention aux offres trop attrayantes et de prendre le temps de comparer les offres, de vérifier le panier avant de payer, d’utiliser le droit de rétractation dans les 14 jours le cas échéant, de ne pas cliquer trop rapidement sur un lien ou un bouton et de signaler les litiges avec les professionnels sur la plateforme « signal.conso.gouv.fr »9.
1 Dossier de presse du 20 novembre 2023, « Les abus du e-commerce dans la ligne de mire de la DGCCRF »
3 Rapport de diagnostic « Lutter contre les pratiques commerciales déloyales en ligne », 19 juin 2023, Direction interministérielle de la transformation publique
4 Définition du Laboratoire d’innovation numérique de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)
5 Considérant 67 du règlement n°2022/2065 du 19 octobre 2022 sur les services numériques (« DSA »). Il sera applicable en février 2024 (excepté pour les grandes plateformes en ligne et pour les grands moteurs de recherche qui sont concernés dès 2023)
6 Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, rubrique « Pièges sur les sites de commerce en ligne : attention aux dark patterns ! »
7 Directive n°2005/29/CE du 11 mai 2005 ; Règlement (UE) n°2016/676 du 27 avril 2016, sur la protection des données, codifié aux articles L.121-1 et suivants du Code de la consommation
8 Article 25 du Règlement n°2022/2065 du 19 octobre 2022 sur les services numériques (« DSA »)
9 Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, rubrique « Pièges sur les sites de commerce en ligne : attention aux dark patterns ! »