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Actualité
15/3/25

IA & Droits d’auteur : une procédure judiciaire contre Meta en France à l’initiative des syndicats d’auteurs et d’éditeurs

Le 6 mars 2025, le Syndicat national de l'édition (SNE), la Société des gens de lettres (SGDL) et le Syndicat national des auteurs et des compositeurs (SNAC) ont introduit une action en justice contre Meta Platforms Inc. devant la 3e chambre du Tribunal judiciaire de Paris, spécialisée en propriété intellectuelle. L'assignation allègue que Meta aurait procédé à une utilisation non autorisée d'œuvres protégées par le droit d'auteur pour l'entraînement de son modèle d'intelligence artificielle générative "Llama". Selon les investigations des syndicats plaignants, la société américaine aurait exploité jusqu'en 2023 une base de données dénommée "Books3" contenant le texte intégral d'environ 200 000 livres, dont plusieurs œuvres françaises, sans obtenir l'autorisation préalable des ayants droit.

Vincent Montagne, président du SNE, a déclaré :

"Nous avons constaté la présence de nombreuses œuvres éditées par des membres du Syndicat national de l'édition dans les corpus de données utilisés par Meta. Nous saisissons aujourd'hui le juge pour faire reconnaître le non-respect du droit d'auteur, le parasitisme."

Un élément matériel significatif du dossier réside dans le fait que Meta aurait reconnu, en janvier 2024, dans le cadre d'une procédure judiciaire parallèle intentée aux États-Unis par plusieurs auteurs (dont Richard Kadrey, Sarah Silverman et Ta-Nehisi Coates), avoir effectivement utilisé la base de données "Books3". Dans cette procédure américaine, Meta invoque la doctrine du "fair use", exception au droit d'auteur spécifique au droit américain qui n'a pas d'équivalent direct en droit français.

L'action judiciaire intervient après l'échec de tentatives de résolution amiable du différend. Renaud Lefebvre, directeur général du SNE, a précisé que cette initiative judiciaire fait suite à "des échanges" avec Meta qui ont "tourné court".

Sur le plan juridique, les demandeurs fondent leur action sur plusieurs moyens. Ils invoquent d'abord les dispositions du Code de la propriété intellectuelle français, notamment les articles L. 111-1 et suivants relatifs aux droits patrimoniaux et moraux des auteurs. L'utilisation non autorisée d'œuvres protégées pour l'entraînement d'un modèle d'IA constituerait, selon eux, une violation des droits exclusifs des auteurs. Les plaignants s'appuient également sur la théorie du parasitisme économique (Article 1240 du Code civil), qui sanctionne l'appropriation indue des efforts ou investissements d'autrui. La procédure s'inscrit par ailleurs dans le contexte du règlement européen sur l'intelligence artificielle (AI Act), adopté en juin 2024, qui impose aux plateformes développant des systèmes d'IA générative l'obligation de fournir "un résumé suffisamment détaillé de l'utilisation des données d'entraînement protégées par la législation sur le droit d'auteur".

Les demandes formulées par les plaignants comprennent la reconnaissance judiciaire de la violation du droit d'auteur et du parasitisme économique, le retrait des répertoires de données créés sans autorisation et utilisés pour l'entraînement du modèle Llama, ainsi qu'une compensation financière au bénéfice des auteurs concernés. Aucune estimation chiffrée du préjudice n'a été communiquée à ce stade de la procédure.

Christophe Hardy, président de la SGDL, a précisé la finalité de l'action :

"L'action que nous entamons doit aussi faire naître une volonté sérieuse des IA de tenir compte de la création, d'en respecter le cadre juridique et le cas échéant de trouver des contreparties pour l'utilisation d'œuvres dont ils se nourrissent."

François Peyrony, président du SNAC, a quant à lui souligné :

"L'objectif, à travers cette action inédite en France, est aussi d'ouvrir la voie à d'autres actions similaires afin de protéger si nécessaire les auteurs des dangers de l'IA qui pille leurs œuvres et le patrimoine culturel pour s'entraîner et qui produit des 'faux livres' qui entrent en concurrence avec les vrais livres d'auteurs."

Sur le plan jurisprudentiel, cette affaire constitue la première action collective d'envergure intentée en France contre un acteur technologique pour l'utilisation présumée non autorisée d'œuvres protégées dans le développement d'IA générative. Elle met en exergue les divergences entre les conceptions américaine et européenne du droit d'auteur, notamment concernant la portée des exceptions et limitations aux droits exclusifs.

Les enjeux économiques sous-jacents concernent la rémunération équitable des auteurs et éditeurs pour l'utilisation de leurs œuvres dans le développement des technologies d'IA générative. Le directeur général du SNE a d'ailleurs indiqué que d'autres acteurs du secteur technologique pourraient ultérieurement faire l'objet d'actions similaires. En l'absence de précédents contractuels établis entre les éditeurs français et les plateformes d'IA générative, contrairement à certaines initiatives observées aux États-Unis (comme celle d'HarperCollins proposant 2500 dollars par livre pour alimenter le modèle d'IA de Microsoft), cette procédure pourrait contribuer à définir les paramètres juridiques et économiques des relations futures entre titulaires de droits d'auteur et développeurs de technologies d'IA en France et en Europe.

Vincent FAUCHOUX
Image par Canva
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