Le rapport de la Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs, par Arthur DELAPORTE, président, et Laure MILLER, a été déposé le 4 septembre 2025. Il a été suivi, le 11 septembre 2025, d’une présentation des conclusions sous le titre choc : "Quand le divertissement vire au cauchemar : sortir nos enfants du piège algorithmique de TikTok".
Le premier objectif de la commission d’enquête a été « d’établir un diagnostic le plus exhaustif possible sur les usages numériques des mineurs et leur utilisation de TikTok » et les « effets psychologiques de cette application ». Son deuxième objectif a été de « rechercher des solutions courageuses mais pragmatiques de nature à protéger les mineurs des risques de l’utilisation des réseaux sociaux pour la santé mentale ». Il conclut enfin avec un certain nombre de recommandations.
Disons-le sans détour : ce diagnostic est surtout un état des « dégâts » causés par la plateforme TikTok, présenté comme étant un des « pires réseaux sociaux » pour la jeunesse (Partie 1).
Des contenus néfastes (incitation au suicide et à l’automutilation, normes de beauté malsaines, désinformation médicale, violences, racisme, sexisme, pédocriminalité).
Une diffusion massive et virale de ces contenus, moyennant un algorithme et un modèle économique conçus pour capter l’attention via un défilement infini, une logique addictive et des incitations au contenu extrême, notamment pour les influenceurs.
Une audience attirant une proportion particulièrement élevée de mineurs, qui y passent beaucoup de temps.
Des conséquences sur la santé mentale : une dégradation psychologique, une amplification des troubles existants, un risque de dépendance, une désinformation sur la santé, des effets sur le développement cognitif et social etc.
Avec un tel diagnostic, on ne pourra pas dire qu’on ne savait pas !
Ce rapport présente ensuite un état des lieux de la régulation des réseaux sociaux sur plusieurs points (Partie 2)
La majorité numérique : l’interdiction théorique avant 13 ou 15 ans est contournée, faute de contrôles fiables.
L’encadrement européen (DSA) : le rapport rappelle les obligations des plateformes en matière de modération, de transparence et de protection des mineurs.
Mais le constat est sans appel.
Insuffisance de la modération : malgré des règles, TikTok échoue à supprimer efficacement les contenus néfastes. Les contenus « gris » (licites mais nocifs) restent intouchables.
Problème des recommandations algorithmiques : TikTok enferme les jeunes dans des spirales de contenus dangereux, en contradiction avec le DSA.
Manque de transparence : TikTok reste opaque sur ses pratiques de modération, ses algorithmes et l’accès aux données pour les chercheurs.
Atteinte grave à la protection des données à caractère personnel des mineurs : TikTok collecte massivement des données personnelles, y compris sensibles, et a plusieurs fois enfreint le RGPD.
La commission d’enquête trace enfin les voies et les moyens de « sortir du piège TikTok et de protéger les mineurs » (Partie 3).
Avec du droit « dur » : pour renforcer le contrôle de l’âge et limiter l’accès aux réseaux sociaux avant 15 ans, faire appliquer plus strictement le DSA et sanctionner les manquements, en allant jusqu’à envisager une interdiction avant 15 ou 18 ans, avec des restrictions progressives (ex. couvre-feu numérique, contrôle parental etc.) et en renforçant la réponse judiciaire face aux contenus dangereux voire en créant un « délit de négligence numérique » pour les parents défaillants.
Avec du droit « mou » : en encourageant les plateformes à « un numérique » plus éthique, transparent et souverain.
En éduquant : pour cela les auteurs du rapport appellent à une politique de sensibilisation massive du public, des parents et des enfants aux dangers des réseaux sociaux. Cela passe par le fait de former les enseignants et adapter l’offre de soins psychologiques aux jeunes en difficulté. Une telle politique passe par une réflexion sur le rôle du smartphone dans la vie quotidienne et la promotion des alternatives au « tout numérique ».
Cette commission propose, pour conclure ses travaux, deux jeux de recommandations : les 13 recommandations du « Président » qui sont « complémentaires » aux 43 recommandations de « la rapporteure auxquelles le président souscrit pour l’essentiel » et que nous examinerons dans une prochaine brève « Image, santé, sécurité et vie privée des mineurs : les 13 + 43 recommandations du rapport parlementaire sur l’application Tik Tok (2/2) ».