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Actualité
31/10/25

Quand les “Oranges givrées” fondent au soleil du droit d’auteur

La Cour d’appel de Paris a récemment rappelé, dans une décision à saveur culinaire, les limites de la protection par le droit d’auteur des photographies dites “de stock”.
Au menu du jour : une société de photographies gastronomiques, une commune française séduite par l’esthétique d’un dessert glacé, et une question essentielle sur ce qu’est véritablement l’originalité en droit d’auteur.

1. Les faits : des “Oranges givrées” servies sur un site municipal

La société Sucré Salé, spécialisée dans la production et la commercialisation de photographies culinaires via son site photocuisine.fr, découvre qu’une de ses images (la photographie intitulée “Oranges givrées”) est reproduite sans autorisation sur le site Internet officiel d’une commune française.

Estimant que cette utilisation constitue un acte de contrefaçon, la société met la commune en demeure, puis l’assigne devant le tribunal judiciaire de Paris.
En première instance, les juges rejettent ses prétentions : la photographie n’est pas jugée originale et aucune faute n’est caractérisée à la charge de la commune.

La société interjette appel, invoquant la violation de ses droits d’auteur et, à titre subsidiaire, la responsabilité délictuelle de la commune sur le fondement des articles 1240 et 544 du Code civil.

2. Les fondements juridiques débattus : originalité, faute et droit de propriété

a. Le droit d’auteur (articles L.111-1, L.112-1 et L.112-2 du Code de la propriété intellectuelle)

La société Sucré Salé soutient que sa photographie constitue une œuvre originale marquée par des choix esthétiques personnels :

  • composition rustique et conviviale,
  • contraste entre l’assiette noire contemporaine et la table grise,
  • mise en scène lumineuse évoquant un “jour ensoleillé”,
  • cadrage en légère plongée et flou artistique d’arrière-plan.

Ces éléments, selon elle, traduisent un effort créatif révélant l’empreinte de la personnalité du photographe.
La commune rétorque que la photographie relève d’un simple savoir-faire technique, sans démarche créative véritable ni parti pris esthétique original.

b. La responsabilité délictuelle (article 1240 du Code civil)

Subsidiairement, la société invoque une faute civile et des actes de parasitisme, arguant que la commune s’est indûment approprié un travail professionnel pour illustrer son site à moindres frais.
La commune fait valoir qu’elle a trouvé la photographie sur le réseau social Pinterest, librement accessible et dépourvue de toute mention d’auteur ou de filigrane, et qu’elle n’a poursuivi aucun but lucratif, agissant dans le cadre d’une campagne municipale de sensibilisation à l’écologie.

c. L’atteinte au droit de propriété (article 544 du Code civil)

Enfin, la société Sucré Salé invoque une atteinte à son droit de propriété sur le fichier numérique correspondant à la photographie, reprochant à la commune d’avoir “utilisé un bien qui ne lui appartenait pas”.

3. La décision : la créativité ne se décrète pas

La Cour d’appel confirme intégralement le jugement du tribunal judiciaire de Paris et rejette toutes les demandes de la société Sucré Salé.

a. Absence d’originalité de la photographie

Les juges rappellent qu’en vertu de l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle, la protection d’une œuvre ne résulte pas d’une simple technicité d’exécution, mais de l’expression d’une démarche libre et créative portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur.

Or, en l’espèce, la Cour constate que :

  • la présentation “en carré” des oranges sur une assiette noire est parfaitement usuelle en photographie culinaire,
  • les effets de lumière et le cadrage relèvent de procédés techniques standards,
  • aucune intention esthétique originale ni choix personnel déterminant n’est démontré.

La photographie est donc dépourvue d’originalité et ne peut bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur.

b. Absence de faute ou de parasitisme

Sur le terrain de la responsabilité délictuelle, la Cour rejette également la demande :

  • la commune n’a pas agi à des fins lucratives,
  • la publication du cliché s’inscrivait dans une démarche pédagogique et non concurrentielle,
  • la photographie était librement accessible sur Internet, sans identification d’auteur ni mention de source.

Faute d’intention de se placer dans le sillage économique de la société Sucré Salé, aucun acte de parasitisme ne peut être retenu.

c. Absence d’atteinte au droit de propriété

La Cour rappelle enfin qu’un fichier numérique immatériel ne peut être approprié au sens du droit commun : il ne s’agit pas d’un bien au sens de l’article 544 du Code civil.
Le fondement du droit de propriété ne peut ainsi servir à protéger un contenu relevant du régime spécifique de la propriété intellectuelle.

4. Le dispositif : confirmation intégrale et condamnation aux dépens

La Cour d’appel confirme le jugement en toutes ses dispositions, déboute la société Sucré Salé de l’ensemble de ses demandes et la condamne aux dépens d’appel.
Elle écarte toutefois la demande de la commune tendant à obtenir une indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, jugeant que l’équité ne le commandait pas.

Cette décision illustre la rigueur des juridictions parisiennes dans l’appréciation de l’originalité des photographies culinaires.

Ni la maîtrise technique, ni la qualité esthétique ne suffisent à conférer à une photographie la protection du droit d’auteur : encore faut-il qu’elle traduise un parti pris créatif personnel.

Quant à l’utilisation non autorisée d’une image trouvée sur Internet, elle n’engage la responsabilité de l’utilisateur public qu’en présence d’un intérêt économique ou d’un détournement délibéré, conditions absentes en l’espèce.

Vincent FAUCHOUX
Image par Canva
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