






La Cour d’appel de Paris a récemment rappelé, dans une décision à saveur culinaire, les limites de la protection par le droit d’auteur des photographies dites “de stock”.
Au menu du jour : une société de photographies gastronomiques, une commune française séduite par l’esthétique d’un dessert glacé, et une question essentielle sur ce qu’est véritablement l’originalité en droit d’auteur.
La société Sucré Salé, spécialisée dans la production et la commercialisation de photographies culinaires via son site photocuisine.fr, découvre qu’une de ses images (la photographie intitulée “Oranges givrées”) est reproduite sans autorisation sur le site Internet officiel d’une commune française.
Estimant que cette utilisation constitue un acte de contrefaçon, la société met la commune en demeure, puis l’assigne devant le tribunal judiciaire de Paris.
En première instance, les juges rejettent ses prétentions : la photographie n’est pas jugée originale et aucune faute n’est caractérisée à la charge de la commune.
La société interjette appel, invoquant la violation de ses droits d’auteur et, à titre subsidiaire, la responsabilité délictuelle de la commune sur le fondement des articles 1240 et 544 du Code civil.
La société Sucré Salé soutient que sa photographie constitue une œuvre originale marquée par des choix esthétiques personnels :
Ces éléments, selon elle, traduisent un effort créatif révélant l’empreinte de la personnalité du photographe.
La commune rétorque que la photographie relève d’un simple savoir-faire technique, sans démarche créative véritable ni parti pris esthétique original.
Subsidiairement, la société invoque une faute civile et des actes de parasitisme, arguant que la commune s’est indûment approprié un travail professionnel pour illustrer son site à moindres frais.
La commune fait valoir qu’elle a trouvé la photographie sur le réseau social Pinterest, librement accessible et dépourvue de toute mention d’auteur ou de filigrane, et qu’elle n’a poursuivi aucun but lucratif, agissant dans le cadre d’une campagne municipale de sensibilisation à l’écologie.
Enfin, la société Sucré Salé invoque une atteinte à son droit de propriété sur le fichier numérique correspondant à la photographie, reprochant à la commune d’avoir “utilisé un bien qui ne lui appartenait pas”.
La Cour d’appel confirme intégralement le jugement du tribunal judiciaire de Paris et rejette toutes les demandes de la société Sucré Salé.
Les juges rappellent qu’en vertu de l’article L.111-1 du Code de la propriété intellectuelle, la protection d’une œuvre ne résulte pas d’une simple technicité d’exécution, mais de l’expression d’une démarche libre et créative portant l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
Or, en l’espèce, la Cour constate que :
La photographie est donc dépourvue d’originalité et ne peut bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur.
Sur le terrain de la responsabilité délictuelle, la Cour rejette également la demande :
Faute d’intention de se placer dans le sillage économique de la société Sucré Salé, aucun acte de parasitisme ne peut être retenu.
La Cour rappelle enfin qu’un fichier numérique immatériel ne peut être approprié au sens du droit commun : il ne s’agit pas d’un bien au sens de l’article 544 du Code civil.
Le fondement du droit de propriété ne peut ainsi servir à protéger un contenu relevant du régime spécifique de la propriété intellectuelle.
La Cour d’appel confirme le jugement en toutes ses dispositions, déboute la société Sucré Salé de l’ensemble de ses demandes et la condamne aux dépens d’appel.
Elle écarte toutefois la demande de la commune tendant à obtenir une indemnité au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, jugeant que l’équité ne le commandait pas.
Cette décision illustre la rigueur des juridictions parisiennes dans l’appréciation de l’originalité des photographies culinaires.
Ni la maîtrise technique, ni la qualité esthétique ne suffisent à conférer à une photographie la protection du droit d’auteur : encore faut-il qu’elle traduise un parti pris créatif personnel.
Quant à l’utilisation non autorisée d’une image trouvée sur Internet, elle n’engage la responsabilité de l’utilisateur public qu’en présence d’un intérêt économique ou d’un détournement délibéré, conditions absentes en l’espèce.

