La High Court de Delhi a été saisie par The Indian Hotels Company Limited (IHCL), société du groupe TATA, exploitant les hôtels et établissements de prestige TAJ, dans le cadre d’une action en injonction et dommages-intérêts fondée sur la contrefaçon de marque, le dénigrement commercial et la diffusion de fausses informations à l’aide d’un contenu généré par intelligence artificielle.
La demanderesse sollicitait en particulier :
Le 8 octobre 2025, un utilisateur anonyme identifié comme John Doe a publié sur la page Instagram Travelagio une vidéo générée par intelligence artificielle intitulée “Staff poisoned wealthy guests for 6 months…”.
Cette vidéo prétendait que des employés de l’hôtel Taj Lake Palace à Udaipur auraient empoisonné pendant plusieurs mois des clients de haut standing, avec la complicité alléguée des autorités locales.
Le montage, reposant sur une voix artificielle (text-to-speech) et des images synthétiques, imitait la forme d’un reportage d’enquête. Malgré sa qualité discutable, la publication a rapidement gagné en visibilité : plus de 20 000 vues, 134 mentions “J’aime”, 300 partages et de nombreux commentaires.
IHCL a signalé la publication sur le National Cyber Crime Reporting Portal et adressé une demande de retrait à Meta Platforms Inc. (défenderesse n° 2), hébergeant le contenu sur Instagram. Aucune suppression n’est toutefois intervenue avant la saisine judiciaire.
La requête était fondée sur :
La Cour, après examen du dossier, a relevé que :
La juge Arora a estimé que la publication en cause constituait une atteinte grave et directe à l’image de marque d’un opérateur hôtelier de premier plan, justifiant une intervention immédiate du juge des référés.
La Haute Cour a ordonné une injonction provisoire ex parte, assortie de plusieurs mesures précises :
L’affaire a été renvoyée devant la juridiction d’instruction pour le 5 décembre 2025, et fixée pour audience au fond le 23 mars 2026.
Cette décision illustre la vigilance croissante des juridictions indiennes face aux contenus falsifiés produits par intelligence artificielle et diffusés sur les réseaux sociaux.
En sanctionnant la création et la propagation d’un deepfake commercialement nuisible, la Cour de Delhi consolide la protection de la réputation des marques notoires et renforce les obligations de diligence des plateformes numériques.
Elle ouvre également la voie à une jurisprudence structurante sur la responsabilité des auteurs anonymes et des hébergeurs en matière de désinformation générée par IA — une problématique désormais mondiale, au croisement du droit des marques, du droit de la personnalité et de la régulation des technologies émergentes.
Enfin, il convient de souligner que les juridictions indiennes se positionnent désormais à la pointe de la lutte contre les deepfakes, après plusieurs décisions récentes ayant protégé des artistes et acteurs de Bollywood contre la manipulation et l’usurpation de leur image à l’aide d’outils d’intelligence artificielle.