


La célèbre semelle à surpiqûre jaune de Dr. Martens a de nouveau fait parler d’elle devant les juridictions parisiennes. Par un arrêt du 17 septembre 2025, la Cour d’appel de Paris a condamné la société irlandaise VAVI Limited, exploitant le site labellepiece.fr, pour contrefaçon de marque et de droits d’auteur, ainsi que pour concurrence déloyale et parasitisme, au préjudice des sociétés Airwair International Ltd et Dr Martens Airwair France.
Les sociétés Airwair International, titulaire des marques DR. MARTENS, AIRWAIR, et de la marque figurative française n° 95578243 (la fameuse semelle à surpiqûre jaune), ainsi que Dr Martens Airwair France, distributrice de la marque en France, reprochaient à VAVI Limited la commercialisation, entre 2020 et 2022, de plusieurs modèles de chaussures (notamment les Tina Boots, Drake Boots, Drake Boots hiver, Django, Colette et Nikkita) présentés sous la dénomination La Belle Pièce.
Selon les demanderesses, ces modèles reproduisaient servilement les caractéristiques distinctives et l’identité visuelle emblématique des bottines 1460, Jadon et Sinclair, véritables icônes du style Dr. Martens.
Déjà condamnée en référé en 2022, puis en première instance par le Tribunal judiciaire de Paris (6 octobre 2023, 3e chambre, 2e section), la société VAVI — non comparante en appel — a de nouveau été sanctionnée par la Cour d’appel de Paris, saisie à l’initiative du groupe Dr. Martens.
Les appelantes invoquaient un faisceau de fondements :
La Cour retient que la marque française n° 95578243, déposée dès 1995, est distinctive, tant intrinsèquement que par l’usage.
Les juges rappellent que la combinaison d’une semelle épaisse sombre, d’une surpiqûre jaune contrastante, d’un bord rainuré et d’un angle diagonal au talon diverge de la norme du secteur et permet au public d’identifier immédiatement les chaussures Dr. Martens.
Les nombreux éléments produits — presse spécialisée, sondage démontrant l’association spontanée entre couture jaune et Dr. Martens, et campagnes publicitaires — confortent ce caractère distinctif.
Dès lors, la commercialisation du modèle Tina Boots, reproduisant presque à l’identique cette semelle, constitue bien une contrefaçon.
La Cour reconnaît l’originalité du modèle Jadon, créé en 2012, en raison de ses choix esthétiques distinctifs : semelle “Quad” exagérément épaisse, tige fine contrastante, double couture arrière, et boucle de talon stylisée.
Les juges soulignent que cette combinaison résulte d’un effort créatif libre traduisant la personnalité de la designer, et non d’une simple déclinaison du modèle 1460.
Les modèles Drake et Drake Hiver, commercialisés par VAVI, en reprenant ces éléments caractéristiques, ont donc contrefait le droit d’auteur d’Airwair sur le modèle Jadon.
La société Dr Martens Airwair France, distributrice exclusive, a été jugée fondée à se plaindre d’actes de concurrence déloyale et de parasitisme.
La Cour constate que VAVI a sciemment cherché à entretenir la confusion avec les modèles authentiques, profitant des investissements marketing considérables du groupe (plus de 5 millions de livres sterling entre 2018 et 2022) et de la renommée de la marque.
La Cour d’appel de Paris a :
La demande de publication dans la presse a toutefois été écartée, la Cour estimant le préjudice suffisamment réparé par ces mesures.
Cet arrêt illustre la vigilance accrue des juridictions françaises à l’égard des imitations serviles dans le secteur de la mode et de la chaussure.
Il consacre, une nouvelle fois, la valeur juridique des éléments distinctifs de design, comme une simple couture jaune, lorsqu’ils sont investis d’une forte charge symbolique et commerciale.
L’histoire retiendra qu’en matière de propriété intellectuelle, même une couture peut faire jurisprudence.

