Dans une décision du 31 mars 2025, l’Autorité de la concurrence a infligé une amende de 150 millions d’euros à l’encontre d’Apple pour abus de position dominante dans le secteur de la distribution d’applications mobiles sur iOS et iPadOS.
Cette décision sanctionne le dispositif App Tracking Transparency dit « ATT » introduit par Apple en 2021 et qui consiste à demander aux utilisateurs d’iPhone ou d’iPad leur consentement au recueil de leurs données, donnant ainsi à l’application l’accès à « l’Identifier for Advertisers » (« IFDA »), sur des applications tierces au sein d’iOS et iPadOS. Le consentement demandé avant toute première utilisation d’une application téléchargée via l’App Store a pour finalité de permettre à l’application, grâce à l’IDFA, de suivre l’utilisateur sur des applications et sites web d’autres entreprises aux fins de publicité ciblée ou de mesure publicitaire.
Ce procédé déroge à la pratique publicitaire antérieure dans laquelle ce suivi était actif par défaut, nécessitant que les utilisateurs modifient par eux-mêmes les paramètres de leur appareil afin de s’y soustraire. En conséquence, ce système a fait réagir plusieurs associations représentant les différents acteurs de la publicité en ligne lesquels ont saisi l’Autorité en prévision de sa mise en œuvre.
Devant l’Autorité, Apple a soutenu que le dispositif ATT s’inscrivait dans un objectif de protection accrue des consommateurs. Néanmoins, cette liberté dans l’élaboration de règles supplémentaires à celles imposées par la réglementation est appréciée par l’Autorité au regard de la position dominante occupée par Apple sur le marché de la distribution d’applications mobiles sur les terminaux iOS. De sorte que, même légitime, cet objectif doit être concilié avec le respect des règles de concurrence.
En l’occurrence, l’Autorité a relevé que les modalités de mise en œuvre de l’ATT étaient abusives en ce qu’elles rendaient le parcours des utilisateurs d’applications tierces artificiellement complexe et faussaient la neutralité du dispositif au détriment des éditeurs d’applications mobiles qui se financent par la publicité. Le système ATT ne permet pas aux éditeurs de remplir leurs obligations légales en matière de respect de la vie privée de sorte qu’ils demeurent contraints de recourir à leur propre système de recueillement en parallèle, multipliant ainsi les demandes de consentement aux utilisateurs au sein du système iOS. De plus, le consentement des utilisateurs au suivi de leurs activités dans les applications et sites web tiers nécessite une acceptation en deux temps, les utilisateurs devant confirmer leur acceptation une seconde fois.
Motivant sa sanction, l’Autorité a soulevé la différence de traitement qu’Apple opérait entre ses applications propres et celles des éditeurs tiers. Le double consentement imposé aux éditeurs d’applications tierces n’était pas requis pour les applications d’Apple qui a mis en place une fenêtre « Publicité Personnalisée » aux fins de recueillir les données des utilisateurs pour sa propre collecte de données, tout en exigeant un double consentement lorsque la collecte de données tierces est réalisée par des éditeurs tiers.
La CNIL s’est également saisie du litige opposant Apple aux éditeurs et fournisseurs de services publicitaires et a rendu deux avis tenant à l’application de la législation relative à la protection de la vie privée. En ce sens, elle a recommandé des modifications assez limitées du dispositif ATT afin d’éviter le préjudice qu’il causait aux éditeurs et fournisseurs. Mais Apple a refusé de mettre en œuvre ces modifications. Il est à noter que l’asymétrie constatée entre Apple et les éditeurs a donné lieu à une sanction infligée par la CNIL au regard de l’article 82 de la loi Informatique et Libertés. Cette implication de la CNIL s’inscrit dans la continuité de la collaboration avec l’Autorité, confirmée en 2023 par la publication commune de la déclaration « Protection des données et concurrence : une ambition commune ».
Ailleurs en Europe, la Commission nationale des marchés et de la concurrence (CNMC) espagnole a décidé, en juillet 2025, d’élargir l’enquête ouverte un an plus tôt contre Apple pour des soupçons d’abus de position dominante sur le marché des boutiques d’application via l’App Store. Initialement fondée sur des conditions commerciales potentiellement déloyales imposées aux développeurs, la procédure de sanction s’étend désormais à d’éventuels accords de prix anticoncurrentiels, notamment la fixation de grilles tarifaires que les développeurs seraient contraints de respecter. Ces pratiques pourraient contrevenir à la fois à l’article 2 de la loi espagnole sur la concurrence (LDC) et à l’article 102 du TFUE, mais aussi, avec cette extension, aux articles 1 de la LDC et 101 du TFUE concernant les ententes.