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Actualité
3/11/25

Quand Grand Corps Malade fait chanter… une voix sans autorisation !

La Cour d’appel de Paris vient de rendre une décision remarquable sur la protection de la voix comme attribut de la personnalité, dans une affaire opposant un journaliste et auteur connu du monde de la chanson française à l’artiste-interprète Grand Corps Malade, à sa société de production Anouche Productions, et à Universal Music France1.

1. Les faits : quand une interview devient un sample

En avril 2021, M. [I], auteur et journaliste, accorde une interview sur la webradio Arts-Mada au cours de laquelle il tient des propos polémiques sur l’apparence physique des artistes, regrettant la disparition des « beaux chanteurs ».
Quelques mois plus tard, Grand Corps Malade publie le titre « Des gens beaux », conçu comme une réponse artistique à ces propos. La chanson reprend, sans autorisation, 33 secondes de l’interview originale — la voix réelle de M. [I] — insérée à plusieurs moments du morceau et synchronisée dans le clip vidéo.

Estimant que sa voix avait été utilisée à des fins commerciales sans son consentement, M. [I] assigne Anouche Productions et Universal Music France devant le tribunal judiciaire de Paris, invoquant une atteinte à son droit à la voix, à ses droits d’auteur et à ses droits voisins.
Le tribunal, en mai 2023, le déboute de toutes ses demandes, estimant que la chanson relevait de la liberté d’expression artistique. M. [I] interjette appel.

2. Les débats juridiques : droit à la voix vs liberté d’expression

Devant la Cour d’appel, les échanges portent sur un équilibre délicat entre deux droits de même valeur normative :

  • le droit à la voix, protégé par l’article 9 du Code civil en tant qu’attribut de la personnalité ;
  • la liberté d’expression et de création artistique, invoquée par Grand Corps Malade et ses producteurs.

M. [I] soutient que sa voix, parfaitement identifiable, a été exploitée commercialement, détournée de son contexte initial et associée à une polémique achevée.
Les intimés rétorquent que la chanson constitue une œuvre de réponse à un débat d’intérêt général, inspirée des mouvements #MeToo et de la lutte contre le sexisme, et que la voix n’était pas reconnaissable du grand public.

3. La décision de la Cour : une voix identifiable protégée par l’article 9

La Cour d’appel de Paris adopte une position nuancée mais ferme :

  • Elle reconnaît d’abord que la voix constitue un attribut de la personnalité, protégée par l’article 9 du Code civil, et que la voix de M. [I] était identifiable, au moins par ses proches et les auditeurs ayant entendu parler de la chanson.
  • Elle juge ensuite que la reproduction de la voix n’était pas nécessaire à l’expression artistique ni proportionnée à l’objectif poursuivi : la chanson pouvait critiquer les propos litigieux sans reprendre la voix réelle de l’intéressé.
  • La Cour estime que la thématique de « l’apparence physique des chanteurs » ne relevait pas d’un véritable débat d’intérêt général, au sens où il touche la société dans son ensemble.

Dès lors, la reprise de la voix sans autorisation dépasse les limites de la liberté d’expression et constitue une atteinte illicite au droit à la voix.

4. Les autres fondements : rejet des droits d’auteur et voisins

En revanche, la Cour confirme le rejet des demandes fondées sur le droit d’auteur : l’expression « des gens beaux » est jugée banale et dépourvue d’originalité.
De même, l’intéressé ne peut se prévaloir du statut d’artiste-interprète, sa prestation radiophonique n’étant pas assimilable à une interprétation d’œuvre.

5. La solution : condamnation et retrait sous astreinte

La Cour d’appel :

  • infirmant partiellement le jugement,
  • condamne Anouche Productions et Universal Music France à verser 10 000 € de dommages et intérêts à M. [I] au titre de son préjudice moral,
  • ordonne le retrait de sa voix du phonogramme et du clip vidéo dans les exploitations futures, sous astreinte de 500 € par jour de retard,
  • et condamne les deux sociétés à 10 000 € supplémentaires au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Cette décision consacre une nouvelle illustration du droit à la voix comme prolongement du droit à l’image, limitant la liberté artistique lorsqu’elle détourne un attribut personnel sans autorisation, même pour une œuvre engagée.
Grand Corps Malade reste libre de chanter, mais pas…
avec la voix des autres.

Vincent FAUCHOUX

1 Cour d’appel de Paris, Pôle 5, 2e chambre, 17 octobre 2025, n° 23/11112

Image Thesupermat, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commonsar
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