Le projet de loi visant à sécuriser et à réguler l’espace numérique a été adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 17 octobre 2023. Le texte, qui avait déjà été approuvé à l’unanimité par le Sénat le 5 juillet 2023, a été adopté par 360 votes « pour » et 77 « contre ».
Les objectifs majeurs de ce projet de loi – la protection des enfants de la pornographie en ligne, la lutte contre les arnaques, le harcèlement et la désinformation en ligne – justifient l’engagement, par le gouvernement, de la procédure accélérée en vue de l’adoption urgente du texte.
Les députés ont adopté certains amendements et modifié le texte voté par le Sénat, pour :
Par ailleurs, les modifications effectuées par les députés concernent aussi :
Tout comme les sénateurs, les députés ont élargi le champ des infractions concernées par la peine de « bannissement » des réseaux sociaux, en y incluant les menaces et intimidations envers des élus, les entraves à l’avortement, les dérives sectaires et les infractions graves à la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Les députés ont précisé que, pendant la peine de « bannissement », les personnes condamnées ne pourront ni utiliser, ni créer de nouveaux comptes d’accès aux plateformes concernées. Les juges auront aussi le pouvoir de prononcer cette peine dans le cadre d’un contrôle judiciaire y compris pour les mineurs.
Le délit d’outrage en ligne (qui avait été ajouté par le Sénat) a été supprimé par les députés.
En effet, l’ancien article 5 bis, qui tendait à imposer la création d’un délit d’outrage en ligne puni d’une amende forfaitaire délictuelle, sans passage devant le juge alors qu’il s’agit d’un délit d’expression, a été supprimé.
L'utilisation d'un service en ligne devient en revanche une circonstance aggravante de l’outrage sexiste.
L’article 10 bis A tel que réécrit prévoit désormais que l’Etat, ses collectivités et ses opérateurs devront veiller à ce que leurs données stratégiques et sensibles2 soient hébergées sur des Clouds européens3. Cet article prévoit une dérogation pour les projets en cours à la date d’entrée en vigueur de cet article.
De même, l’article 10 bis B précise également les obligations des hébergeurs de données de santé.
Divers amendements ont été votés sur les jeux qualifiés de JONUM, notamment concernant :
La réglementation des JONUM par ce texte a également fait l’objet de critiques en séance publique comme étant incomplète pour ce type de jeu, qui s’apparenterait aux jeux d’argent et de hasard en ligne.
Compte tenu des différences entre les textes votés par le Sénat et l’Assemblée nationale, une Commission Mixte Paritaire (CMP) sera convoquée a priori en décembre prochain afin que les sénateurs et les députés s’accordent sur la version finale du projet de loi.
1 PHAROS est le portail officiel du Gouvernement de signalement des contenus illicites de l’Internet. Ses pouvoirs ont été renforcés par le texte adopté.
2 Sont qualifiées de données sensibles au sens du nouvel article 10 bis A : les données qui relèvent de secrets protégés par la loi, les données nécessaires à l’accomplissement des missions essentielles de l’Etat, notamment la sauvegarde de la sécurité nationale, le maintien de l’ordre public et la protection de la santé et de la vie des personnes.
3 Sur ce point, il convient de préciser que le Sénat avait déjà abordé la thématique de la souveraineté cloud européenne dans sa version du texte. L’article 10 bis A nouveau précise par « cloud européen » la mise en place, par le prestataire privé de service d’informatique en nuage de « critères de sécurité et de protection des données garantissant notamment la protection des données traitées ou stockées contre tout accès non autorisé par des autorités publiques d’Etats en dehors de l’Union européenne ».