Le débat sur l’intelligence artificielle et l’avenir énergétique a pris une tournure inattendue en février 2025, lors du Sommet de l’IA à Paris. Emmanuel Macron a alors lancé la formule « Plug, Baby, Plug ! », en réponse au célèbre slogan de Donald Trump « Drill, Baby, Drill ! » qui, depuis la campagne présidentielle américaine de 2008, symbolise la volonté d’exploiter sans frein les ressources fossiles. Par cette réplique, Macron affichait une position en faveur de l’électrification et de la transition énergétique, mettant l’accent sur le développement des infrastructures électriques et des énergies renouvelables, pour le développement d’une IA responsable et plus « propre ».
Ce duel rhétorique incarne deux visions du monde opposées, alors que les besoins en énergie pour alimenter les méga data centers nécessaires à l’exploitation des systèmes d’IA explosent : d’un côté, la logique de croissance fondée sur l’exploitation des énergies fossiles, et de l’autre, l’impératif de transformation vers un modèle plus durable, au service d’une Intelligence Artificielle décarbonée.
Mais n’oublions pas une autre énergie indispensable à l’essor de l’intelligence artificielle en entreprise, qui n’est ni fossile, ni nucléaire, mais qui est tout à fait renouvelable : celle du contrat, fusion de la double énergie accordée des deux parties au service d’un objectif d’efficacité opérationnelle !
Alors que certains prônent un développement sans entrave des modèles d’IA, et que d’autres plaident pour une régulation stricte, une troisième voie émerge sur laquelle tous les juristes s’accordent : celle de la contractualisation intelligente de l’IA. Plutôt que de tout interdire ou tout laisser faire, l’avenir de l’IA passera par des contrats adaptés et équilibrés entre les acteurs du marché. Le contrat apporte en effet aux opérateurs économiques la sécurité juridique dont ils ont besoin pour s’investir dans l’intelligence artificielle de façon pérenne, responsable et équitable.
L’une des briques essentielles de cette contractualisation passe par l’adoption de « chartes internes de bonnes pratiques en entreprise ». Face aux risques juridiques, éthiques et stratégiques liés à l’IA, de nombreuses entreprises adoptent des cadres internes pour définir :
Ces chartes permettent d’encadrer l’utilisation de l’IA et d’en optimiser l’usage tout en minimisant les risques liés à la propriété intellectuelle, à la cybersécurité ou encore à la protection des données personnelles. Elles doivent cependant être adaptées au secteur d’activité concerné, et c’est là un de leurs importants avantages par rapport à la loi : une entreprise du secteur cosmétique, qui intègre l’IA dans la création de parfums ou l’analyse des tendances, n’a pas les mêmes enjeux juridiques et éthiques qu’une entreprise développant des drones militaires, où la réglementation sur la sécurité et la souveraineté est cruciale.
En structurant l’usage de l’IA de manière claire et contractuelle en interne, ces chartes permettent non seulement une adoption plus fluide des nouvelles technologies, mais aussi une meilleure anticipation des régulations futures.
Un autre volet clé de cette contractualisation concerne la relation entre les grands modèles d’IA et les ayants droit (auteurs, artistes, éditeurs, producteurs de données, etc.). L’entraînement des modèles d’IA repose souvent sur des ensembles de données massifs, parfois constitués d’œuvres protégées par le droit d’auteur. Face à cette réalité, plusieurs stratégies émergent :
Certaines plateformes d’IA commencent déjà à nouer des accords avec des maisons d’édition ou des agences de presse (notre précédent article sur l’accord entre OpenAI et le Monde), mais la question reste sensible. Une contractualisation adaptée et sectorielle est donc indispensable pour éviter les tensions juridiques et permettre un déploiement dynamique mais responsable de l’IA par les entreprises.
Ce ne sont ici que deux exemples de contractualisation de l’IA ; d’innombrables modèles contractuels émergeront dans un proche avenir pour structurer les nouveaux modèles de coopérations qui se mettront en place entre les innombrables stakeholders de l’IA.
En conclusion, les juristes et avocats doivent désormais consacrer une part substantielle de leur énergie à mettre en œuvre ce levier décisif du déploiement de l’IA dans les entreprises : Contract, Baby, Contract !