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Actualité
16/10/24

Intelligence artificielle (IA) et protection des créations : le « match retour » de Jason Allen contre le copyright office américain !

Dans cette affaire engagée le 26 septembre 2024 devant la Cour fédérale du district du Colorado (Affaire n° 1:24-cv-2665), Jason Allen, artiste et demandeur, engage une action en justice contre l'Office américain du droit d'auteur (USCO) et sa directrice, Shira Perlmutter, pour obtenir une protection légale pour son œuvre intitulée Théâtre D'opéra Spatial, créée à l'aide de l'outil d'intelligence artificielle (IA) Midjourney. Cette œuvre, bien que générée en partie par une IA, est présentée par Allen comme un produit de son propre processus créatif et non de l'algorithme de manière autonome.

Théâtre D'opéra Spatial, l'œuvre générée en partie par une IA par Jason Allen
Théâtre D'opéra Spatial, l'œuvre générée en partie par une IA par Jason Allen

1. Fondements légaux invoqués

Allen soutient cette action en vertu de plusieurs textes légaux :

  1. Administrative Procedure Act (APA), 5 U.S.C. § 701 et suivants : Allen affirme que le refus de l'USCO constitue une action administrative « arbitraire et capricieuse », violant les dispositions de l'APA. Il invoque notamment l'article 706(2)(A) de l'APA, qui autorise les tribunaux à invalider les décisions administratives qui ne respectent pas la loi, ou qui abusent de leur pouvoir discrétionnaire.
  2. Copyright Act, 17 U.S.C. § 102(a) : Allen affirme que son œuvre répond aux critères de « travaux originaux de paternité fixés sur un support tangible d'expression », et que son travail remplit la norme minimale de créativité exigée pour la protection du droit d'auteur.
  3. 17 U.S.C. § 701(e) : En tant que directeur de l'Office, la responsabilité de l'examen et de l'enregistrement des œuvres incombe à la défenderesse Shira Perlmutter. Allen cherche à renverser la décision de refus du droit d'auteur en sollicitant une révision judiciaire.

2. Critiques légales formulées par Jason Allen

a) Interprétation erronée de la « paternité humaine » par l'USCO

Allen conteste l'argument principal de l'USCO selon lequel l'œuvre ne satisfait pas au critère de la « paternité humaine » requis pour l'enregistrement du droit d'auteur. L'USCO a rejeté sa demande en invoquant l’absence d'intervention humaine significative dans la création de l'image générée par l'IA. Allen critique cette décision, affirmant que son rôle dans la création de l'œuvre a été primordial. Il soutient que l'outil Midjourney n'a pas créé l'image de manière autonome, mais a exécuté des instructions complexes et répétées qu'il a formulées avec soin.

b) L’assimilation des outils d’IA aux autres technologies créatives

Allen argumente que l’utilisation d’un outil IA pour générer une œuvre doit être traitée de la même manière que l’utilisation d’appareils photo ou d’ordinateurs dans la création d’œuvres d’art. Il souligne que la loi sur le droit d’auteur protège les œuvres créées avec l'aide de machines (17 U.S.C. § 102(a)), pour autant qu’il y ait une intervention humaine significative, ce qui, selon lui, est clairement le cas ici. Il cite notamment Burrow-Giles Lithographic Co. v. Sarony (1884), une décision de la Cour suprême reconnaissant qu’une œuvre peut être protégée même si elle est créée à l'aide de machines, tant qu'il existe une contribution humaine significative à travers la sélection, la direction artistique et l'arrangement des éléments.

c) Violation de la neutralité technologique

Allen soutient que l'USCO n'a pas respecté le principe de neutralité technologique dans son analyse. Il fait valoir que l'Office du droit d'auteur a failli à son devoir d’adapter ses critères à l'évolution technologique, en refusant de reconnaître les créations générées avec l'aide de l’IA. Il fait remarquer que des œuvres créées à l'aide d'autres outils modernes (comme Photoshop ou des synthétiseurs pour la musique) ont déjà été protégées par le droit d’auteur, et il critique l’USCO pour ne pas avoir appliqué cette logique à son œuvre. Selon lui, refuser cette protection risque de décourager l'innovation artistique, un principe pourtant consacré par la loi sur le droit d'auteur.

d) La reconnaissance de la créativité humaine dans le processus d’itération

Allen décrit le processus minutieux qu'il a suivi pour créer l'œuvre. Il a généré 624 variations de l'image en modifiant ses instructions à l'IA afin de parvenir à un résultat conforme à sa vision artistique. Allen compare ce processus à celui d'un réalisateur travaillant avec un caméraman ou un photographe choisissant et disposant soigneusement les éléments dans une scène, affirmant que l’outil IA n’est qu’un instrument pour exécuter ses décisions créatives. Cette intervention humaine dans la sélection et l'arrangement des éléments artistiques, ainsi que dans l’utilisation de logiciels comme Gigapixel AI et Adobe Photoshop pour affiner l’image finale, doit, selon lui, être reconnue comme une paternité humaine.

e) Traitement différencié des œuvres d'Allen par rapport à d’autres œuvres d'IA

Allen souligne également un traitement différencié par l’USCO dans le traitement des œuvres assistées par IA. Il cite des exemples d’autres artistes ayant utilisé des IA dans la création de leurs œuvres, mais qui ont obtenu la protection du droit d’auteur. Il argue que le refus de sa demande repose en partie sur la polémique entourant sa victoire au Colorado State Fair, où son œuvre assistée par IA a provoqué des débats publics, ce qui, selon lui, aurait pu influencer négativement l’examen de sa demande par l’Office.

Finalité juridique de l’action

L’objectif de cette action judiciaire est d’obtenir une déclaration judiciaire affirmant que l'œuvre Théâtre D'opéra Spatial est éligible à la protection du droit d'auteur, en renversant la décision de l’USCO et en ordonnant son enregistrement en vertu du Copyright Act. Allen cherche également à obtenir une clarification des règles entourant les œuvres créées avec l’assistance de l’IA, afin que de futures œuvres dans des situations similaires puissent bénéficier d'une protection juridique adéquate. Par ailleurs, il demande le remboursement de ses frais d'avocat et autres dépenses engagées pour cette action.

Cette action vise à répondre à une question fondamentale dans l'ère moderne de la création : dans quelle mesure les œuvres assistées par l'IA peuvent-elles être reconnues comme des créations originales bénéficiant de la protection du droit d'auteur, et à quel point l'intervention humaine dans ce processus est-elle nécessaire pour assurer cette protection ?

Il est certain que la décision aura une portée mondiale bien au-delà du seul territoire des États-Unis dans leur approche de la protection des créations générées par l'intelligence artificielle !

Un remerciement chaleureux à Lou Dutreil, stagiaire DDG, pour son aide précieuse à la préparation de cet article.

Vincent FAUCHOUX / Lou DUTREIL
Image par Jason Allen
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