Une action judiciaire majeure concernant l'utilisation des contenus journalistiques par les outils d'intelligence artificielle a été initiée le 21 octobre 2024 devant la Cour fédérale du District Sud de New York, opposant les sociétés Dow Jones & Company, Inc. et NYP Holdings, Inc., filiales du groupe News Corporation, à la société Perplexity AI, Inc.
Les Demandeurs, propriétaires notamment des journaux The Wall Street Journal et The New York Post, font valoir que leur modèle économique, fondé sur les revenus générés par les abonnements numériques, la publicité en ligne et les licences d'exploitation, est directement menacé par les activités du Défendeur. Ils soulignent que leur réussite et leur pérennité reposent sur le travail de journalistes et professionnels qualifiés produisant une information de qualité selon des standards journalistiques exigeants.
Au soutien de leur action, les Demandeurs invoquent principalement les dispositions du Copyright Act (17 U.S.C. § 106), qui confèrent aux titulaires de droits d'auteur le droit exclusif de reproduire, distribuer et préparer des œuvres dérivées. Ils dénoncent la reproduction massive et systématique de leurs contenus protégés par le moteur de réponse basé sur l'intelligence artificielle développé par le Défendeur, notamment via la fonctionnalité "Skip the Links" permettant aux utilisateurs d'accéder directement aux contenus sans visiter les sites des éditeurs.
Les Demandeurs s'appuient également sur la jurisprudence fédérale en matière de concurrence déloyale, en particulier la théorie de la "misappropriation" établie par l'arrêt International News Service v. Associated Press (1918), selon laquelle l'appropriation et l'exploitation commerciale du travail d'autrui constituent un acte de concurrence déloyale lorsqu'elles privent la victime du bénéfice légitime de son investissement.
Par un communiqué de presse en réponse à cette action, Perplexity AI, Inc. replace le contentieux dans un contexte plus large d'opposition systématique des groupes de médias aux outils d'intelligence artificielle générative, évoquant une trentaine de procédures similaires. Le Défendeur dénonce une posture réactionnaire visant à maintenir un monopole sur la diffusion des faits d'actualité publiquement rapportés.
Le Défendeur affirme la parfaite légalité de ses activités, soulignant avoir mis en place dès sa création un système rigoureux de citation des sources et de références, reconnu par le secteur et même distingué par le Wall Street Journal dans son classement "Great AI Challenge". Il conteste formellement les allégations de l'assignation concernant la caractérisation des contenus prétendument "régurgités", la description de l'utilisation réelle de sa plateforme, et l'absence alléguée de réponse aux sollicitations de News Corporation.
Sur le plan commercial, Perplexity met en avant sa volonté de collaboration avec les éditeurs de presse, illustrée par un programme innovant de partage des revenus déjà adopté par plusieurs médias majeurs comme TIME, Fortune et Der Spiegel. Le Défendeur maintient une invitation permanente à la négociation adressée aux Demandeurs, tout en dénonçant une stratégie procédurale consistant à provoquer artificiellement des résultats non représentatifs pour les besoins de la procédure.
Ce contentieux cristallise les tensions actuelles entre protection des droits d'auteur et évolution technologique dans l'accès à l'information. D'un côté, les éditeurs de presse cherchent à préserver leur modèle économique et à protéger leurs investissements dans la production de contenus journalistiques de qualité. De l'autre, les entreprises d'intelligence artificielle affirment proposer des outils innovants d'accès à l'information essentiels au fonctionnement d'un écosystème culturel moderne, tout en se déclarant ouvertes à des modèles de collaboration équitables avec les producteurs de contenus.
L'issue de cette procédure pourrait établir des précédents juridiques importants quant à l'application du droit d'auteur aux technologies d'intelligence artificielle et influencer l'évolution des relations entre médias traditionnels et acteurs technologiques dans l'écosystème numérique de l'information.
N.B Remerciements de l’auteur à Lou Dutreil, stagiaire DDG, pour son aide précieuse à la rédaction de cet article.